Une grotte étrange

Quand il se releva et fit face à Lila, il y eut un instant de flottement durant lequel son regard furieux se plantait dans celui de celle qui avait fait l'erreur de cultiver un pouvoir magique, mais son envie de la tuer ici et maintenant fut émoussé par les yeux qu'il fixait, brillants de larmes mal contenues. Comme lors de sa confession, elle pleurait sans arriver à se maîtriser, et Soren sentit son visage se détendre peu à peu suite à cette vision même si ses yeux révélaient toujours autant de colère.
Lorsqu'elle se détourna pour s'éloigner sans un mot, le haineux resta planté debout durant plusieurs minutes, la regardant prendre la sortie. Au fil de ces minutes, son expression de pure colère se mua en un air méprisant, puis agacé, puis juste neutre et impénétrable.
Même la lueur de répulsion au fond de son regard finit par s'éteindre. Il avait le visage de celui qui faisait mine d'oublier tout ce qui venait de se passer, comme s'il n'avait pas été préparé à cette suite des événements et qu'il tentait maintenant de faire comme si elle n'avait pas eu lieu.

Mais ce n'était pas cela, c'est qu'il ne lui en voulait déjà plus. Était-ce de sa faute après tout ?
Non, à présent, il s'en voulut à lui-même.
Il avait été injuste de la faire pleurer. Elle l'avait sauvé des goules, du taureau géant et des arbres mobiles. Elle lui avait redonné courage quand ils étaient parvenus à la fausse sortie ; elle l'avait aidé à se ressaisir au lieu d'abandonner. Même là, elle n'avait usé de sa magie que pour l'aider contre "la chose". Sans Lila il ne serait pas là.
Il avait été ingrat à cause de sa haine mal placée, il devait l'avouer. Il voulut la rejoindre pour se faire pardonner. Il ne voulait pas qu'elle souffre à cause de lui après tout ce qu'elle avait fait pour l'aider. Si elle le voulait il pourrait même admettre que tous les mages n'étaient pas mauvais, même s'il aurait du mal à déclarer cette conclusion.

"-Attend !" croassa-t-il d'une voix étranglée en s'avançant dans la direction par où était parti sa camarade.

Mais vu que l'adrénaline issue de sa haine ne parcourait plus son corps, il ressentit de nouveau le contrecoup de ses précédents combats. Toute la douleur qui le tenaillait quelques instants plus tôt revint d'un bloc, rajoutée à une fatigue aussi immense que soudaine. Il eut à peine le temps de faire un pas que, sans pouvoir se reprendre, il tomba à genoux, tête baissée.

"-Qui est le plus abject de nous trois à ton avis ?" chuchota une voix féminine familière bien que déformée à son oreille.

Il regarda mollement autour de lui mais ne vit personne. Un fantôme, encore ?
Mais ce qu'il vit par contre, c'est qu'il n'y avait plus aucune trace de la sorcière qu'il venait de tuer, ou bien de sonner. Qui sait ?

Lila avançait, difficilement en repensant à ses parents. Elle songea au livre, elle devrait le donner à Soren pour qu'il puisse trouver plus facilement la sortie mais quand sa voix lui dit de l'attendre, Lila sursauta. Lui pardonnait-il? Le bonheur traversa ses traits suivit de la crainte. Comment pouvait-il faire semblant ?

Quand elle se retourna brutalement, elle vit Soren affalé sur la terre. Elle couru par instinct vers lui et sans se soucier si il l'étendait ou non, elle commença son discours sans oser le toucher. Elle était simplement agenouillée à ses cotés:
-je sais que je suis un monstre, tu ne saurais pas la première personne à m'en vouloir pour ça mais je n'y peux rien, je ne peux pas me changer. Je dois vivre avec ça mais croit moi, je donnerais tout pour me défaire de cette nature. Je me haï moi-même mais je suis aussi désolée si je t'es déçu, je suis navrée si tu m'en veux et je comprendrais que tu ne veuilles plus me voir, c'est pour cela que je te laisse le livre -elle tira le journal de sa besace et le posa devant lui- trouve la sortie. Tu es la seule personne en qui j'ai le plus confiance.

Elle se leva ensuite et entreprit de repartir. Elle se sentait mieux maintenant que tout était dit mais une voix fendit l'air:
-Qui est le plus abject de nous trois à ton avis ?

Lila se retourna mais n'aperçu aucune trace de la sorcière dont la tête avait explosé quelques minutes auparavant.

Il n'arrivait plus à bouger. Soren ne voulait plus et ne pouvait plus bouger. Mais par chance Lila avait entendu son faible appel.
Elle lui épargna la peine de se relever et revint vers lui, avant de s'agenouiller non loin. Puis, fait étrange, elle s'excusa.
Elle lui demanda pardon d'être née mage, de l'avoir déçue et de l'avoir mis en colère alors qu'en réalité, c'était lui qui devrait lui présenter ses excuses. Il releva la tête en affichant un air incompréhensif, la fixant dans les yeux. Il avait tous les torts dans cette histoire et lui avait fait du mal. Pourquoi c'était elle qui se plaçait dans le rôle de celle qui avait quelque chose à se reprocher après la peine qu'il lui avait causée ?
Elle termina sa tirade en déposant devant lui un journal et insinua qu'il pourrait l'aider à sortir de cette immense caverne, puis elle s'en alla au dam du jeune homme.
Ou du moins elle faillit le faire car c'est à ce moment-là qu'intervint l'étrange voix, qui la fit se retourner pour chercher du regard sa provenance, et comme Soren elle constata que la sorcière n'était plus à sa place, au même moment que lui.

Pour lui ce fut le signal. Il ramassa son cadeau puis se leva avec une grande difficulté. Ses blessures et sa fatigue étaient conséquentes.

"-Lila..." marmonna-t-il en titubant dans sa direction, "C'est moi qui te présente mes excuses."

Il restait debout devant elle, ne sachant pas quoi rajouter. Il s'était excusé de bon coeur mais ne savait pas quoi rajouter ; les causes de ses excuses paraissaient évidentes, et il ne voulait pas avoir l'air d'en rajouter. Alors, pour pallier à sa maladresse orale, il lui rendit le journal en tentant de plaisanter:

"- On s'en sortirait mieux à deux, non ? Ce serait bête que chacun parte de son côté. "

Il lui adressa un demi-sourire inquiet, d'autant qu'en plus le mauvais pressentiment qui l'avait envahi lors de son arrivée dans l'orphelinat maudit revenait et s'amplifiait de plus en plus dans son esprit. Il aurait dû s'assurer que cette maudite magicienne des ténèbres était morte. Il sut alors que malgré son état il ne pourrait pas dormir dans le château car s'était trop risqué. Il se promit donc de marcher le plus vite possible si Lila acceptait de lui pardonner sa crise de colère, mais il craignit fort qu'il serait un boulet pour elle jusqu'à sa guérison et au prochain repos.

Lila se fichait des excuses de Soren, le fait qu'il lui pardonne lui suffisait amplement et en réponse à sa plaisanterie elle ne put se retenir de le prendre dans les bras, en pleurant de joie. C'était la première personne qui l'acceptait pour ce qu'elle était, la première personne qui avait risqué sa vie pour elle.
-merci, merci, bafouilla-t-elle encore en pleure.
Décidément Soren avait le don de la faire pleurer.
Puis elle se rendit compte que son étreinte pouvait le gêner, elle s’écarta et rigola nerveusement:
-Désolée, je ne voulais pas... C’est ton espace personnel...
Elle regarda autour d'elle, et réfléchit à toute vitesse. Ils ne pouvaient rester ici, il devrait s'éloigner de ce lieux et après tout ce qu'ils avaient vécus: morts-vivants, arbres, minotaure, fantôme et sorcière, blessés ou non, ils pourraient sans aucun doute marcher quelque temps jusqu’à un nouvel abris.

Elle tira la main de Soren, pour le diriger vers la sortie.

Soren s'attendait à ce qu'elle parte sans rien lui répondre ou même à ce qu'elle se mette en colère à son tour pour lui balancer à la figure tout ce qu'elle avait à lui reprocher. Car la sorcière avait raison ; il traitait les mages comme des monstres mais il ne fallait pas oublier qu'il en était aussi devenu un, même si c'était la faute d'un de ces magiciens de malheur. C'était pour cela qu'à cet instant elle avait une excellente raison de le traiter comme lui, il l'avait traité. Mais elle n'en fit rien.

Non elle ne lui en voulut même pas. Elle n'exigea même pas qu'il s'excuse avec plus de volonté. Non, elle s'approcha et le prit dans ses bras au lieu de cela. Il grimaça légèrement parce que ce contact raviva la douleur des brûlures qui parsemaient son torse sous son vêtement troué, mais ne bougea pas pour chercher à se dégager. Au contraire il apprécia ce moment, sa grimace de douleur se muant en un fin sourire apaisé.
Elle le remercia pour une raison qu'il ne comprenait pas, mais ne releva pas ses curieux mots même s'il tenait à insister que c'est lui qui devrait le faire, mais ne le dit pas car "merci" était un mot qu'il n'avait pas tellement l'habitude d'utiliser, ou alors peu sincèrement.
Elle était en pleurs une nouvelle fois, peut-être par soulagement ou parce qu'elle relâchait les tensions, et le jeune homme eut envie de la consoler cette fois. Il allait resserrer ses bras autour d'elle à la fois en signe de remerciement comme pour lui signifier que tout irait bien, mais elle recula juste au moment où il levait les mains. Elle s'excusa alors de son étreinte.

"-Pas grave, ce n'est rien." répondit-il précipitamment mais en gardant un ton posé.

Il était l'heure de partir. Elle prit sa main aux doigts encore rougis par le sang de "la chose" puis l'entraîna hors du "jardin" vers l'obscurité de la forêt. Il commença donc à marcher aussi vite qu'il le put sans protester, et se motivait à lutter contre la douleur de ses brûlures en se rappelant qu'il avait eu de la chance que ce ne soient pas ses jambes qui furent touchées. Il se retourna une dernière fois avant qu'ils ne s'engouffrent dans le forêt grise et cru voir pendant un instant un petit groupe de formes indistinctes sortir du toit de la tour du château la plus éloignée d'eux pour s'envoler au-dessus de la forêt, dans une direction opposée à la leur. Probablement Marie et plusieurs de ses amis. Elle les avait écoutée. Il leur adressa un petit sourire même s'ils ne le virent pas.

Le mercenaire se laissait guider cette fois, faisant au mieux pour ne pas se traîner lors de leur nouvelle recherche pour un abri. Il regardait Lila s'occuper des quelques ennemis faibles et solitaires sans intervenir lorsqu'ils en croisèrent, et ils évitaient les monstres plus puissants comme les énormes taureaux ou les groupes de goules qui étaient plus facilement repérables. Quand ils s'arrêtaient en face d'un abri potentiel, il lâchait la main de sa camarade pour examiner les alentours avec un pas mal assuré, puis revenait avec une réponse positive ou négative à propos de la possibilité d'installer un camp ici. Deux fois ce fut négatif car il soutint qu'ils pouvaient être pris à revers dans les zones choisies, mais la troisième fois il décida de faire confiance à Lila même si l'abri présenté comportait autant de défauts que les précédents. Il n'aurait pas la force de chipoter longtemps alors autant faire avec.

Il laissa sa compagnonne installer le camp et s'allongea sur le sol froid directement pour sa part. Il était tellement fatigué après l'âpre bataille qu'ils avaient mené qu'il s'endormit à peine cinq minutes après s'être mis en station horizontale. Sauf que cette fois il était parti pour un vrai sommeil, car il se détacha peu à peu de la réalité lors de son endormissement malgré la force de l'habitude.

Leur recherche d'abris s’avérait fructueuse mais la troisième fois fut la bonne. Lila alluma le feu et s'assit, elle repensait désormais beaucoup à sa vie. Lila était d'une nature peu jovial, souvent sur la défensive et parfois même on la trouvait cruelle mais Soren avait fait ressortir en elle un coté qu'elle avait enfoui depuis son exil, ça relevait de l'exploit. Elle ouvrit le journal tout en souriant, les pages étaient usées, fines et cornées. Par réflexe Lila sentit l'odeur de celui-ci: vieux. Elle regarda du coin de l’œil Soren qui dormait déjà. Lila avait faim mais elle ne pouvait pas chasser.
Elle plongea ses pensées dans les pages à moitié déchirée.

Il dormit longtemps allongé par terre, changeant souvent de position dans son inconscience. Pour la première fois depuis longtemps, Soren fit énormément de rêves agités tous plus absurdes les uns que les autres durant tout son repos, comme s'ils s'étaient accumulés durant toutes les fois où il n'avait pas rêvé et qu'ils prenaient leur revanche à présent. Il s'imagina par exemple que "la chose" avait prit l'apparence de Lila et lui demandait d'incendier la forêt grise tout entière avec ses flèches à elle, qui prirent feu spontanément quand il tira, et tout cela dans le but de retrouver Marie et les autres spectres qui s'étaient échappés de "son" château et qui "se terraient quelque part dans un arbre" selon elle.
Aussi il rêva qu'ils avaient finalement trouvé le portail mais que celui-ci était doté de six pattes maigrelettes qui lui permettaient de se déplacer, et qu'il ne s'en privait pas. Dés qu'ils l'approchaient il s'enfuyait à toute jambe, forçant les aventuriers à une longue et ridicule course-poursuite.
Il y eut aussi un songe durant lequel il rentra enfin chez lui, dans une maison même plus belle et propre que dans ses souvenirs, sauf que dés qu'il pénétra dans cet havre, celui-ci se transforma en une immense mâchoire de goule aux dents noires et ébréchées, qui se se referma sur lui dans un bruit sec.

Il en avait fait beaucoup d'autres, qui n'avaient même parfois pas de rapports avec la situation actuelle, mais ce fut sur ce dernier cauchemar qu'il se réveilla en sursaut. A ses pieds gisait une branche morte qui avait dû produire le craquement qui l'avait réveillé en chutant et qui avait ressemblé au bruit de la mâchoire dans son songe. Il se frotta les yeux, encore ensommeillé, tandis que les rêves qu'il avait produit se mélangeaient rapidement dans sa tête et s'effaçaient peu à peu de sa mémoire, à part les trois derniers à propos de la sorcière, du portail et de la maison.
C'était étrange comme sensation de se réveiller en se demandant où on était, avec encore en esprit des rêves au sens obscur dont leurs souvenirs se dissipaient. Tout aussi étrange que de se retrouver encore engourdi et ensommeillé alors que l'on avait bien dormi, au lieu de bondir dés le réveil, revigoré par cette pause.
Pourtant tous les gens normaux devaient affronter ce genre de bizarreries lors du retour à la réalité, mais Soren avait perdu l'habitude d'être normal.

Il repéra Lila non loin qui lisait un vieux bouquin, et reconnut le journal qu'elle avait failli lui donner en guise d'adieu. Alors il se leva et déambula un peu autour d'elle pour se réveiller complètement. Hormis son épaule droite son corps ne lui faisait qu'un peu mal, à condition qu'il ne touche pas les brûlures causées par les sorts de la sorcière. Mais il était en état de marcher, alors ils pouvaient se remettre en route.
Il se pencha par-dessus l'épaule de sa camarade pour lire avec intérêt son journal, avant de demander:

"Quelle direction maintenant, demoiselle ?"

-qu'elle direction ? Alors, d'après ce que je comprends on devrait repartir par la droite il y a une espèce de tunnel après on verra bien.
Elle referma le livre d'un geste et se leva. Soren paraissait en forme mais Lila se demandait si elle ne pouvait pas l'aider pour ses douleurs.

Il hocha la tête sans répondre suite aux indications de sa guide, puis fit quelques pas dans la direction qu'elle avait indiqué. Il attendit toutefois que Lila ait terminé de rassembler ses affaires et qu'elle le rejoigne avant de continuer la marche. Il ne fallait pas oublier que dans son état il ne pourrait pas combattre grand monde, alors il devrait compter sur son assistance. Une fois de plus.

Une fois le "matériel" récupéré, ils reprirent donc la quête de la sortie. Soren marchait juste à côté de sa camarade au même rythme qu'elle, n'ouvrant la bouche que pour donner quelques conseils et indications en quelques mots comme :"Ne passons pas par là, trop découvert" ou bien "Ils sont peu, attaquons.".
Il se sentait encore coupable d'avoir voulu la tuer, alors il essayait dés que possible de se montrer aimable et de s'assurer lors des combats que rien ne lui arrive. Ce n'était pas dans son caractère et il ne pouvait pas trop en faire mais pour lui c'était le minimum à fournir. D'autant plus que ce n'était pas la première fois qu'il avait failli l'égorger: il avait voulu le faire dés qu'il l'avait vu en train de dormir, quand ils s'étaient rencontrés, ce qui amplifiait sa volonté de se racheter.

Ils finirent par arriver face à une sorte de trou dans le sol, fait par l'homme à en juger ses rebords en pierre taillée. Le fond de celui-ci n'était pas visible car même l'échelle qui permettait de redescendre ce trou se perdait dans les ténèbres. Mais c'était sûrement l'entrée du tunnel.
Il s'avança pour donner un petit coup de pied dans l'échelle rouillé, qui émit aussitôt un bruit peu rassurant, puis il se pencha pour essayer de mieux distinguer l'autre bout de ce moyen de descendre.

"On n'y voit rien là-dedans... Si jamais c'est ça ton tunnel, sais-tu au moins où il nous mène ?"

Il affichait un air qui en disait long sur ce qu'il pensait: il n'avait clairement pas envie d'aller errer dans une sorte de tunnel étroit et obscur. Cela nuirait sans doute à son espérance de vie s'il y avait quelque chose là-dedans.

Soren paraissait rebuté par l'entrée du tunnel. Lila respira un grand coup et éleva ses mains vers Soren, normalement ces douleurs cesseraient.
-Vue que tu sait qui je suis autant l'être au bout.
Elle de retourna vers le trou et jeta une brindille enflammée par ses pouvoirs dans le vide. C'était profond mais Lila était confiante
-suis moi et fait attention.
Elle se pencha et descendit dans la pénombre.
Elle détestait tout de même de servir de la magie.

Au lieu de répondre, Lila tendit ses mains dans la direction de Soren et aussitôt, ses brûlures ne se firent plus sentir. Même la morsure sur son épaule droite se fit moins douloureuse grâce à ce geste, visiblement magique.
Il hocha juste la tête quand elle se justifia en luttant pour ne pas paraître mécontent parce qu'elle avait utilisé la magie, juste reconnaissant. Il faisait mine de comprendre et même d'apprécier le geste, mais au fond de lui il ne pouvait pas changer de point de vue sur la magie aussi facilement. Même s'il se répétait qu'elle avait utilisé sa particularité pour le soigner, il avait trop pris l'habitude de haïr les mages en général. C'était ainsi et pas autrement.

De nouveau elle utilisa sa sorcellerie pour enflammer un bout de bois qu'elle envoya dans l'embouchure. Quand Soren se pencha il put alors distinguer à grand peine le fond de celle-ci, ce qui le rassura un peu, mais sans plus.
Quand elle l'intima de le suivre il obéit mais l'interrogea une seconde fois quand ce fut à sont tour de descendre l'échelle rouillée:

"-Le portail est là-dedans j'espère ?"

Il ne tenait pas à aller sous terre pour tomber sur un cul-de-sac et devoir faire demi-tour après tout. Mais vu qu'il ne savait de toute façon pas où aller il finit par la rejoindre.

Il faisait noir là-dedans. La brindille ne suffisait pas du tout à éclairer tout le tunnel. Il s'empara donc du sac de la jeune fille pour mettre la main sur quelques fagots de bois à moitié calcinés qu'il tint tous dans sa main avant de les enflammer avec la dite brindille qui par chance ne s'était pas encore éteinte.
Ils avancèrent donc pour explorer l'endroit. Soren était en tête car il se chargeait de l'éclairage, mais c'était Lila la guide, avec sa carte.
Le silence morbide du tunnel, ajouté à son obscurité et son étroitesse, devenait pesant. Ce qui poussa Soren à faire la conversation pour une fois;

"Je me demandais... et si la sorcière qu'on avait rencontré n'était pas "la chose" mais juste une voyageuse égarée comme nous qui avait découvert ce lieu et qui s'y était installée ? Cela voudrait dire que la vrai "chose" était dans ce château mais qu'on ne l'a pas croisé..."


Peu après ces paroles il entendit, provenant du fond du tunnel, des cris étouffés. Ceux-ci n'étaient pas humains mais ne ressemblaient pas non plus à ceux des goules. Ils étaient aigus et nerveux, et aussi vaguement familiers pour Soren.
Ils furent obligés d'avancer dans cette direction car ils n'allaient pas non plus ressortir après tout le chemin qu'ils avaient fait dans le tunnel, mais ils parvinrent assez tôt à un embranchement. Le chemin se séparait en deux, deux voies tout aussi sombres et peu engageante l'une que l'autre. L'un devait mener aux monstres qui habitaient ce lieu, et l'autre pourrait peut-être les aider à les éviter.
Droite ou gauche ? Il laissa ce choix épineux à sa camarade. Ce serait sa faute s'il y aurait un problème par la suite.

Soren émit une reflection sur la chose et la sorcière. Lila ne lui réponditpas, elle était bien trop occupée a réfléchir sur la sortie mais soudain une autre pensée lui vient à l'esprit, des cris provenaient au loin. Soren et elle d'avancement vers ses voix d'outre tombe mais ils se trouvèrent a une fourche: gauche ou droite.
Lila ne sur que faire mais il semblait que Doren lui faisait l'honneur de ce choix.
Le journal n'avait rien indiqué et les illustration ressemblaient à des immenses tâches d'encre noirs.
Elle le feuilleta en vitesse et le rengea toue aussi rapidement. Il n'y avait aucune information.
Elle ferma le yeux, tourna sur elle-même puis se dirigea vers la première entrée devant elle.

Lila choisit la droite.
Elle s'était reposée sur le hasard pour cette décision ardue, d'une façon assez risible à voir d'ailleurs mais cela ne posait pas de problèmes au jeune homme. Par contre il avait bien vu qu'elle avait épluché son bouquin avant d'en arriver à cette solution, ce qui prouvait qu'il ne pourrait pas beaucoup les aider dans cette étape de leur voyage. Du coup, même si le portail était quelque part là-dedans, ils ne savaient pas où exactement.
Il la suivit donc dans le chemin choisi en espérant que ce soit le bon.

Le feu consumait rapidement les petits fagots de bois que le chasseur de primes tenait, ce qui le poussait à se dépêcher avant de se retrouver aveugle. Mais il ne pouvait pas non plus courir car non seulement cela accélérerait la combustion de sa torche artisanale, mais en plus l'éclairage devenait de moins en moins diffus avec l'avancée des flammes, et Soren devait prendre plus de temps à détailler les ombres devant lui pour savoir s'ils allaient rencontrer un monstre ou non. Malgré l'urgence de la situation il devait donc marcher à vitesse modérée, ce qui l'inquiétait beaucoup.

Au bout de quelques mètres, un grognement faible se fit entendre devant eux, assez proche. Ils avaient dû choisir la mauvaise voie. Mais Soren fut alors certain d'une chose avant même de percevoir son ennemi dans la lumière des flammes. Ils avaient affaire à un orc, sorte de sous-homme hideux mais intelligent et particulièrement vicieux. Il en avait affronté une poignée dans un tunnel comme celui-ci auparavant, en traversant une montagne pour y dénicher un ermite qu'on lui avait demandé de "faire disparaître".
Leur ennemi avait la peau apparemment verte d'après ce qu'avait pu en voir le jeune aventurier avant que le monstre se mette hors de portée de sa lumière. Mais il y avait quelque chose qui clochait: celui-ci était très petit et malingre pour un orc, d'autant plus qu'il était peu armé. Soren avança de nouveau et la clarté pourtant moindre de sa torche suffit à écarter une deuxième fois l'étrange créature. Il était habitué à l'obscurité celui-là.
Il poussa alors un jappement suraigu qui n'avait rien à voir avec celui-ci de l'orc après réflexion, d'ordinaire plus tonitruant, et le jeune tueur à gages s'interrogea alors tandis qu'il continuait à le faire reculer à l'aide de sa torche bientôt hors d'usage car complètement calcinée ou presque. Au bout de quelques pas le pseudo-orc s'enfuit avec une série de cris longs et puissants qui résonnèrent dans tout le tunnel.
Le jeune homme comprit alors l'origine de ce qu'ils avaient en face d'eux.

"-C'est un gob ! Il appelle ses compagnons à la rescousse !" informa-t-il avec surprise.

Les "gobs" ou gobelins. Il n'avait jamais posé ses griffes ou ses lames sur l'un deux, mais il en avait entendu parler dans de nombreux bars où des explorateurs ivres les avaient décrits. Encore plus sournois que leurs cousins orcs, et qui hantent les lieux sombres en hordes pour compenser leur faiblesse physique par le nombre. Excellents archers et opportunistes de première.
Toutes les informations qu'il avait distraitement écouté bière à la main n'étaient probablement pas toutes vraies, mais c'était là une occasion en or pour se faire son propre avis

Il s'avança pour récupérer le messager avant qu'il n'alerte tous ses foutus congénères, mais ce qui devait arriver arriva: le feu de sa torche était parvenu à ses doigts, et il dû la lâcher pour éviter une nouvelle brûlure. Le feu s'éteignit donc lors du choc des fagots contre la terre, et le noir envahit tout.
Il percuta Lila quand il s'écarta comme pour essayer d'échapper à l'aveuglement, et ne pu la distinguer d'un gobelin que grâce à son odorat vu que ses yeux étaient devenus inutiles. Il s'excusa mécaniquement avant de lui demander.

"-On aurait bien besoin de sorc....de magie je crois."

Ils étaient dans le noir face à un nombre inconnu de gobs qui rappliqueraient dans une minute tout au plus, alors il voulait bien abstraction de sa haine envers toute forme de magie dans ce cas-là, exceptionnellement.

-Magie, magie.... T'es rigolo toi ! Je suis pas un distributeurs de sorts!
Lila avait machinalement fait briller une minuscule lueur de ses mains.
Elle claquer ses doigts sans s'en rendre compte en cherchant un sortilège assez puissant pour les protéger. Elle ne cherchait cependant pas si, ou non, ces créatures étaient présente lors de sa réflexion.
-...Gobelin habitué à l'ombre, à la lumière se réfugie dans l'ombre et sous le feu d'une chaleur lumineuse, se décompose en cendres visqueuse. C'est ça!
Elle tendit ses mains devant elle. Une lumière vacillante s'y projeta, écrasant un tas infecte de créatures effrayantes. Elle ferma les eux, la lumière était vraiment forte et semblait fatiguer Lila, si bien que lorsque tout lesd gobelins finirent en poussière, Lila pantela contre un mur, une lueur toujours jaillissante de ses mains.

Malgré sa protestation, Lila consentit à émettre une petite lumière qui malgré sa petitesse, éclaira un peu le tunnel et permit à Soren de mieux se repérer dans ce lieu.
Il put la voir en train de se plonger dans une grande réflexion, probablement à propos du sort qu'elle allait employer, calme comme s'il ne s'agissait que d'une formalité alors que leur sort dépendait d'elle. Aussi, par prévision, il se plaça derrière la jeune mage quand il entendit leurs prochains ennemis arriver.
Leurs cris de ralliement qui ne cessaient de se faire entendre, comme si une armée de gobelins se dressait derrière le rideau obscur du tunnel que la faible lueur de Lila ne suffisait pas à percer. Le bruit de leurs armes métalliques qui se frottaient aux murs de pierre. Le son de leurs arcs qui se tendaient à l'unisson contre eux, les malchanceux égarés. Soren entendait tout cela, et il fut saisi à la fois d'excitation et de terreur puisqu'il devinait qu'il y avait en face d'eux plus d'une trentaine de gobs assoiffés de tuerie.

"-Grouille..." pria Soren à Lila en la secouant pour la faire sortir de sa réflexion infiniment trop longue.

Ils arriveraient. Ils arrivaient. Ils... étaient arrivés.
Maintenant ils étaient juste devant eux, dans la limite entre l'ombre du tunnel et la lumière de Lila. Soren pouvait voir leurs silhouettes dans l'obscurité pourtant dense. Il pouvait sentir leur odeur particulière, entre celui de l'humain et du rat. Il pouvait savoir que si Lila ne se décidait pas dans la seconde qui suivrait, ils allaient devoir se battre et perdre, donc mourir.

"-Grooouille !" cria-t-il avec colère et panique.

"C'est ça !" s'écria à son tour sa camarade d'infortune avant qu'elle ne tende ses mains vers le camp ennemi.
Et là : un grand flash survint. Une explosion luminescente qui força Soren à fermer les yeux par son intensité. Après avoir été rendu aveugle par les ténèbres, c'était maintenant cette lumière qui voilait ses yeux.
Il ne vit plus rien mais entendit les cris des gobelins qui devaient supporter ce sort beaucoup moins bien que lui ; il les entendit hurler, gémir, pousser des jurons dans leur langue propre, avant de pousser des gargouillis encore moins compréhensibles. Cette magie était dévastatrice et impressionnante.

Quand la lumière se fit moins intense et qu'il rouvrit les yeux, Lila était adossé à un mur tandis que la lueur dans ses mains se reflétait sur le sang vermeil étalé partout devant eux, du sol au plafond. Elle était visiblement exténuée mais ils devaient continuer, car il n'avait pas éliminé toute la colonie, loin de là.
Il se plaça devant elle et lu prit les poignets de ses deux mains.

"-Bravo Lila, tu nous as sauvé. Je te félicite, mais nous devons malheureusement continuer dans la direction d'où ils venaient. J'espère que tu es prête"

Suite à quoi il la prit par la main droite et marcha à toute vitesse dans le sens indiqué en tâchant de ne pas se salir avec le sang qui coulait du plafond. Il s'arrêtait de temps en temps pour la laisser souffler mais jamais longtemps. Si le portail était là-dedans, ils devaient le trouver très vite avant de se faire avoir. En vrai il avait peur que des gobelins éventuellement présents derrière eux essaient de les prendre par derrière. D'où sa précipitation nouvelle.

Soudain le sol se déroba sous ses pieds. Il lâcha aussitôt la main de sa compagnonne pour ne pas l'entraîner dans sa chute, avant de dégringoler dans le vide et dans le noir.
Il chuta durant de longues secondes avant de rebondir sur une bosse de terre dont le sommet émit un craquement, puis s'écrasa sur de la pierre, sur un sol plat cette fois. Il se releva sans attendre quand aussitôt il entendit un grognement étouffé provenant de l'intérieur de la "bosse". Il courut ensuite sans but immédiat en se heurtant de nombreuses fois à des bizarreries terreuses semblables à l'autre, mais finit par arriver à une grande place illuminé par un petit feu de camp, autour duquel dansaient des gobelins avec des tenues chatoyantes et ridicules.

Il comprit alors qu'il était arrivé au plein milieu d'un petit village de gobs, et se maudit alors de ne pas avoir mieux regardé sous ses pieds. C'est là qu'il aperçut certains de ces "petits orcs" qui arpentaient les rues entre les "bosses de terre" qui se révélaient être des habitations. Et l'un de ces promeneurs ou gardes s'avançait vers lui, tranquillement mais sûrement.

Soren l'attirait dans le tunnel mais Lila suivait en ne tenait presque plus debout. Quand soudain Soren traversa le sol, Lila s'agenouilla près du trou, fallait-il le suivre pour l'aider?
-Soren?
Aucune réponse, celui-ci ne semblait pas l'entendre.
Lila tourna autour du vide en cherchant quoi faire.
Décidément ils ne leurs arriveraient jamais de vivre une journée tranquille.
Elle tendit alors sa main dans le trou et fit apparaître une lumière. Elle vit alors Soren au milieu de... D'un village!
-Putain de mer...
Dans son étonnement Lila, glissa et chuta à son tour. Elle eu seulement le temps de placer ses mains devant-elle pour freiner un peu sa descente mais malgré cela elle atterrit en trombe derrière Soren tendit qu'un Gobelin s’avançait vers lui.
-Maudit enfer! se chuchota-elle en se relevant.

Il arrivait. Le gobelin s'avançait avec lenteur, sans se douter qu'à quelques mètres de lui, accroupi dans l'ombre, se tenait Soren. Par chance, personne ne l'avait vu tomber ni arriver jusqu'au centre de ce bourg. Il avait bien cru le contraire durant quelques instants mais si ça avait été le cas, il ne serait peut-être plus de ce monde, car celui qu'il avait devant lui aurait soit attaqué, soit rameuté le reste du village.
Il faisait silencieusement ressortir ses griffes pour l'éliminer discrètement quand il entendit un bruit lourd juste derrière lui, et il était sur le point de se retourner pour se jeter sur le nouvel arrivant qui l'avait découvert quand il entendit une voix féminine bien familière pester. Lila était tombé à son tour apparemment, allez savoir comment elle avait fait.

"-Bon sang Lila, j'ai bien failli te trancher en deux !" râla-t-il en chuchotant, sans quitter le gobelin des yeux.

Cette fois ce dernier les avait bel et bien vu. L'ennemi se raidit d'un coup, de la surprise dans ses yeux noirs et la gueule tordue en une moue hébétée. Vite, il ne fallait pas lui laisser le temps de se ressaisir ou ce serait fini.
Soren bondit hors de sa cachette précaire, bras droit dressé, avant d'abattre ses lames naturelles sur son crâne, qui s'ouvrit comme un fruit trop mur dans un bruit écoeurant. Il dégagea ensuite ses griffes et le corps du gobelin s'écroula sans faire trop de bruit heureusement. A l'aveuglette, le tueur fouilla alors le mort et découvrit qu'il était muni de deux petites haches qu'il avait accroché au dos. C'était donc bien un garde et non un promeneur.

Soudainement, un autre gob, semblable au décédé, surgit de nulle part, marchant aussi tranquillement que lui. Profitant qu'il ne regardait pas encore dans leur direction, Soren raccourcit ses griffes gauches afin de se saisir d'une des haches de sa victime puis la jeta aussi sec sur le nouveau venu, au moment pile ou il tournait la tête vers eux. Mais il visa mal et la hachette, au lieu de finir planté dans sa tête comme prévu, finit dans sa jambe droite.
L'autre poussa un hurlement suraigu qui alerta tous les monstres de la place, et Soren eut juste le temps de prendre la seconde hache qu'ils se rassemblaient déjà tous vers le blessé avec frénésie, sans même s'apercevoir de la présence des intrus, pas encore du moins.

Il entraina Lila vers la place maintenant vide sans attendre que le garde explique ce qu'il s'était passé. Ils traversèrent au pas de course le village par la voie principale étrangement moins gardé que les petites ruelles, puis finirent par arriver face à un tunnel vraisemblablement fait pour les gobelins vu son étroitesse. Il allait falloir ramper pour progresser dans ce chemin.
Il poussa sa camarade à s'y engouffrer la première avec moult encouragements, puis attendit qu'elle ait bien avancé à l'intérieur avant de partir à l'opposé sans la prévenir, vers le village.
S'ils fuyaient les gobs les rattraperaient sans réelle difficulté. Il devait donc les "ralentir".

Quand il revint sur la place centrale en courant, il fit place à l'ensemble de ces amateurs de l'obscurité, qui avait du se réunir pour organiser une battue. Il y avait de tout ; du soldat jusqu'à la danseuse, en passant par le noble, reconnaissable à son couvre-chef imposant garni de champignons luisants. Cette fois-ci tous le virent arriver, et poussèrent un long cri de guerre à son approche.
Il aurait du y répondre avec le sien, mais il en avait assez des formalités. Il continua donc sur sa lancée et fonça dans le tas.

Le présumé noble fut le premier à venir à sa rencontre pour le tuer. Ce fut donc le premier qui eut la tête tranchée par la hachette qui appartenait à un de ses pareils il y avait de cela quelques minutes avant ce combat.
Après cette mort, Soren plongea dans la foule des autres gobs, tailladant, tranchant, coupant, déchiquetant toutes les chairs qui passèrent à sa portée à l'aide de "son" arme et de ses griffes. Il esquiva de peu un ou deux coups de poings ou de dents portés par les créatures sans armes, plusieurs flèches tirés par les archers qui avaient eu l'idée de s'élever en escaladant les maisons, et beaucoup de coups de hache, de masse, ou d'épée venant des soldats et des gardes. Il reçut quelques uns de ces coups, et commençait à saigner. Mais pour chaque coup subi il en rendait le double, et la troupe gobeline déplorait déjà une dizaine de morts en quelques minutes seulement. De plus, voir son sang couler décuplait la rage destructrice du jeune chasseur de primes.

"-Je vais tous vous buter !" hurla-t-il en plein milieu de la masse bruyante, "Il ne restera pas un seul gob entier dans ce village !"

Lila n'eut pas le temps de se lever que Soren abattit ses griffes sur l'affreux monstre. Elle se redressa brusquement, elle était pétrifiée par la vue de ce tas de gobelins. Elle n'avait plus la force de se resservir d'un sort et elle ne savait pas comment faire pour tous les anéantir.
Soudain Soren la tira de ses pensées et l’entraîna au travers d'une place puis la poussa dans un tunnel si étroit qu'elle d'eut marcher à quatre pattes.
-Soren, je croit que je peux plus trop tenir là.
Lila s'entait le froid s'emparait d'elle et ses mains tremblait tellement qu'elle ne pouvait plus avançait.
-Soren?
Elle retourna légèrement sa tête mais ne vit rien.
-Bordel de...
Elle fit d’étranges mouvements pour parvenir à faire demi-tour mais ses pirouettes lui prirent encore des forces. Elle rampait désormais et quand elle se trouva enfin sur la place, au loin elle vit Soren hurler parmi les monstre mais c'était instinctif chez elle: elle se sentait obligée de l'aider.
Elle se releva difficilement, avança vers les gobelins et s’arrêta. Elle n'avait décidément pas assez de force pour lancer un sort mais elle en avait encore moins pour s’acharner sur eux manuellement. Elle bascula ses mains en avant:Terre, ma terre, dévoile ta lumière et fait cracher le sang à ses monstres, maintenant.
Une force jaillit autour d'elle, un cercle s'entendit en écrasant la terre et les monstres aux alentours, il y avait comme un immense nid de poule et en son centre Lila, désormais accroupie.
Elle avait ses mains devant son visage, du sang coulait de son nez et elle leva dans un dernier effort son regard mais sa vue était trop troublée pour apercevoir quoi que se soit.
-Je déteste la magie, souffla-t-elle avant de perdre conscience.

Une folle euphorie irradiait l'esprit de Soren, ce qui le faisait ricaner de manière ininterrompue tandis qu'il ôtait la vie. Il ne comptait déjà plus le nombre de corps à ses pieds, ni celui d'ennemis restant, et encore moins celui de ses plaies béantes qui vomissaient du sang noir et abondant. Ce qui comptait, c'était de sentir ses armes s'enfoncer dans la chair de ses cibles, et de voir de l'hémoglobine couler, que ce soit le leur comme le sien.
Le plaisir d'une bataille comme celle-là valait tous les plaisirs spirituels et charnels réunis, aux yeux du semi-monstre. Il priait même intérieurement qu'elle dure le plus longtemps possible.
Encore, et encore...et encore. Encore et toujours.

Tout à son loisir, il ne se rendit pas compte que la terre s'était mise à trembler violemment sous ses pieds. Il ne s'aperçut de ce qui se préparait uniquement quand il allait tailler en pièces un soldat à l'armure explosé par la hargne de ses coups. Le sol se souleva alors pour écraser sa victime entre deux énormes pans de roche sortis de terre, juste sous les yeux de Soren.
Le bourreau resta interdit plusieurs secondes suite à cet imprévu, figé dans sa pose offensive, et un gobelin non loin faillit en profiter pour l'attaquer par derrière. Mais à nouveau la terre se dressa pour réduire l'individu en bouillie, puis en fit de même pour tous les autres gobs plus ou moins proches, qu'il s'agisse de ceux qui s'étaient installés sur les toits proches pour tirer à l'arc ou encore des quelques fuyards qui avaient compris que tout était fini.
Soren lui-même cru qu'il allait subir le même sort, et bondit donc dans tous les sens jusqu'à se retrouver hors de la place et donc de l'apparente menace. Quand tout fut fini, il se retrouva donc face à une grande place désolée, complètement retournée et recouverte de sang, de membres ou de morceaux de membres ennemis et de pièces des "maisons" qui s'étaient écroulés suite à ce cataclysme.
Ce fut à ce moment qu'il repéra, à une bonne dizaine de mètres de sa position, un énorme cratère qui semblait le point d'origine de ce tremblement de terre, avec en son sein Lila.
Le regard maintenant horrifié de Soren qui venait de comprendre croisa celui, exténué, de la mage un bref instant. Puis cette dernière s'écroula après avoir murmuré quelque chose que le jeune homme ne comprit pas.

"-Lila !" appela-t-il aussitôt en courant vers la personne concernée.

Il mit sa nouvelle arme à la ceinture et rentra les griffes. Puis il vérifia avec précipitation si elle respirait une fois arrivé près de son emplacement, avant d'aller chercher dans une des habitations gobelines encore debout un récipient rempli d'eau. Il jeta alors son contenu au visage de l'inanimée une fois revenu puis, submergé par un sentiment oppressant de panique, tenta de la secouer sans ménagement pour la réveiller.

"-Lila ! Lila ! Debout ! Ouvre les yeux ! Réveille-toi ! Allez ! Allez !"

Il répéta ces injectives au moins une bonne dizaine de fois, puis s'accroupit sans rien dire à côté d'elle, la mine sombre.
Puisqu'il ne pouvait rien faire, autant prendre son mal en patience.
Dix interminables minutes passèrent durant lesquelles il resta immobile en fixant le sol, et durant lesquelles ses poings se serrèrent de plus en plus. Après la panique, une sourde colère se mit à le brûler de l'intérieur.
Lorsqu'elle atteignit son paroxysme, il explosa sans prévenir, se jeta sur le corps inanimé de Lila puis, assis à califourchon sur son ventre, il lui asséna une gifle sonore. Puis deux. Puis trois.

"-Pourquoi tu m'as suivi dans ce village alors que tu savais que c'était dangereux ? Pourquoi tu ne t'es pas enfuie comme je te l'ai demandé ? Pourquoi est-ce que tu m'aides tout le temps, au péril de ta vie ? Pourquoi uses-tu de cette saloperie de magie ?"

Il la prit par le col et ramena son visage juste en face du sien, même s'il ne savait pas si elle l'entendait dans son "sommeil".

"-Tu veux mourir ? Tu as vu comme cette sorcellerie vide tes forces ? Tu vas finir par te tuer à cause de moi... je veux dire de ça ! Est-ce que tu t'en rends compte ? Bordel, je ne veux pas que... je ne veux pas que tu meures ! "

Sa voix se brisa à ce moment précis, et il s'éloigna brusquement pour sécher les larmes qui commençaient à pointer d'un revers sec de la manche. Il s'assit alors sur le bord du trou, calmé mais encore secoué par tous les sentiments qui venaient de le submerger: peur panique, colère ingrate et même tristesse.
Soren avait souvent côtoyé la mort et il l'avait encore plus souvent donné. Mais il n'avait pas encore éprouvé la peur qu'un camarade cher quitte ce monde. Il n'y avait jamais été confronté, et il s'aperçut de sa fragilité.
C'était donc à ce point douloureux ?

Lila semblait être dans un malaise. Elle entendait la voix, paniquée de Soren, les gifles qu'il lui assénait et même les accusation qui lui faisait mais elle ne pouvait rien faire. Elle voulait lui crier que si elle l’avait suivis c’est tout simplement car il semblait être plus digne de confiance que n'importe qui à ce jour, lui hurler que si ellene s'était pas enfuis c'est parce que faire face au danger c'ets faie face à la mort et que la mort ne l'effraye pas. Elle voulait le secouer et lui hurler que si elle pouvait donner sa vie pour lui c’était tout simplement et pathétiquement car il était la seule personne sur laquelle Lila pensait pouvoir faire confiance, la seule personne que Lila voulait garder en vie car il avait plus fait pour elle que jamais quelqu'un ne pourrait le faire et que cette saloperie de magie était en elle et autant faire avec.
Soudain il parut que Soren s’éloignait. Elle retourna son corps dans un effort sur-humain et ouvrit les yeux:
Soren ne voulait pas non plus qu'elle meurt, il l'avait dit mais il semblait aussi être affligé et Lila craignit qu'il l'abandonne croyant que la vie l'avait définitivement quittée.
-Désolée, désolée de te faire du mal. Désolée d’être une mage. Désolée de vouloir te faire vivre, sa voix était faible et cassée par des pleures silencieux. Soren...
Son nez saigné encore et elle ne pouvait décemment pas se lever. Elle regarda Soren s'eloigner sans pouvoir le retenir. Sa faisait mal de le voir l'abandonner en la croyant morte alors qu'elle était ici, et le voyait partir sans arriver à dire ce qu'elle aurait voulue hurler.

Assis sur le rebord du cratère provoqué par la magie destructrice de son acolyte, Soren regardait le village maintenant plongé dans l'obscurité presque totale vu que la seule source de lumière dont il bénéficiait, à savoir le feu de la grande place, n'était plus. Quelques champignons luminescents sur les parois du tunnel diffusaient pourtant un éclairage, mais cette lumière n'était pas assez diffus pour rendre le lieu bien visible. Si ça avait été le cas il ne serait jamais tombé ici vu qu'il aurait bien vu ce qui s'étendait sous ses pieds tout à l'heure.
Lui aussi baignait dans le noir, et tout ce qui l'entourait n'était à ses yeux qu'une étendue de formes indistinctes dont il pouvait à peine deviner la hauteur. De là où il était il ne percevait même pas le fond du nid-de-poule au bord duquel il était perché. C'était dire.

Soren pensait à Lila qui devait se battre encore pour rester en vie, juste à quelques mètres de lui. Il avait senti qu'elle respirait encore, mais même s'il avait tenté de se rassurer en se disant qu'elle allait bien, il n'était plus sûr de rien. Et si la vie était en train de la quitter ? Et si elle était déjà morte, au moment même où il s'était éloigné d'elle ?
Au bout de longues minutes de méditation, il se leva calmement après avoir réussi à faire taire toutes les émotions qui le rongeaient. Il n'était plus en colère. Il n'avait plus peur. Il n'était plus triste. Il était juste subitement et infiniment las. Las de devoir survivre, de devoir courir partout à la recherche d'une sortie qui n'existait probablement même pas, de tuer et même... d'exister. A ce moment présent, tout ce qu'il faisait semblait dénué de sens réel, de but, d'intérêt. En bref, il n'avait plus envie de jouer. A quoi bon faire tout cela ?
Il se ressaisit rapidement. Tant qu'il y était, autant continuer. Plus pour lui mais au moins pour Lila. Tant qu'elle respirerait, il fallait qu'il continue. Parce qu'elle n'avait peut-être pas encore abandonné. Parce qu'elle avait peut-être une idée de ce qu'elle ferait une fois sortie contrairement à lui. Si elle était vivante, il devait donc l'aider. Juste parce qu'abandonner maintenant serait trop facile.

Il revint vers le corps de son allié à l'aveuglette puis s'accroupit avant de se pencher jusqu'à être tout proche d'elle. Il la prit dans ses bras avec délicatesse en tâtonnant un peu pour enfin la soulever. Et soudain il réalisa qu'elle avait changé de position.
Il la sentait toujours respirer après vérification, ce qui le fit pousser un petit soupir soulagé. Toujours vivante, bien sûr. Comment avait-il pu douter ?

"- Accroche-toi Lila. On sort juste de ce trou et on trouve la sortie, c'est tout ce qu'il nous reste à faire. Je ne sais pas comment on va faire pour ça, mais ce n'est pas grave. Je te renverrai chez toi."

Il entendit alors ses sanglots étouffés qui le fit sourire malgré lui. Non seulement elle était encore en vie, mais elle s'était réveillée. C'était super.
Il sortit du cratère le sourire aux lèvres, en la portant toujours dans ses bras, et avait maintenant un peu plus envie de continuer l'épopée.
Au moins pour son amie.

Lila était à bout, ses forces se consumaient mais elle se sentait terriblement bien. Soren ne l'avait pas abandonnée, il l'aidait même.
L'allusion de chez elle la fit sourire, seulement Soren se trompait. Lila n'avait pas de chez elle, elle n'avait personne. Elle passait ses jours à marcher, écouter les rumeurs. Elle se renseignait sur la teigne du village, suivait et analyser sa cible et exécuté son contrat puis elle finissait généralement dans une auberge et repartait le lendemain, après une nouvelle cible. Elle ne se plaignait pas de sa vie, être une mercenaire était plutôt vivifiant. Tuer un simple marchand qui n'avait pas payé sa dette, qui avait cinq enfants et une femme malade ne l’intéressait pas, les sales vermines comme les souilleures et les meurtriers par contre...

Lila était bercé par les mouvements de Soren et le battement de son cœur qui s’essoufflait peu à peu. Elle ne pouvait se résigner à être infirme, être un fardeau pour son avancée:
-Je... Je veux marcher.

Soren était déjà sorti de la place centrale quand il entendit soudain Lila s'exprimer. Il fut bien évidemment heureux de voir qu'elle était maintenant en état de le faire, mais son sourire disparut aussitôt quand il saisit le sens de sa phrase, c'est-à-dire une seconde après sa demande. Il reprit alors l'attitude froide qui le définissait si bien en lui répondant:

"-C'est ça c'est ça. Tu ferais plutôt mieux de rester tranquille."

Il n'était pas question de la lâcher avant de voir le Soleil. C'est ce qu'il se promit afin que sa protégée n'encoure plus aucun risque de plus dans ce sombre endroit.
Il ne dit plus rien suite à ce "conseil" jusqu'à ce qu'ils furent arrivés au petit tunnel par lequel Lila aurait dû partir, seule possible sortie connue par Soren outre celle par laquelle ils étaient venu.  Mais maintenant qu'ils n'avaient plus d'ennemis à leurs trousses et donc du temps pour réfléchir, le jeune homme n'était plus très motivé pour aller s'engouffrer dans une ouverture juste assez étroite pour un gobelin sans savoir ce qu'il y avait au bout. Il scruta donc la roche éclaire par les champignons luisants, à la recherche d'une échappatoire plus large, mais du abandonner au bout de plusieurs minutes. La paroi était lisse et sans le moindre trou excepté celui à leurs pieds.
Il regarda rapidement les autres murs de la grotte de loin, ne vit rien non plus mais eut la paresse de ne pas vouloir aller les inspecter de plus près. Il n'avait donc pas tellement le choix.
Il consentit finalement à accéder à la première requête de Lila en la posant délicatement à terre, puis lui expliqua rapidement ce qu'ils allaient faire:

"-Je vais devant cette fois, comme ça tu seras sûr que je suivrais. Si jamais je m'arrête sans prévenir pendant notre avancée, tu ne dis rien et tu fais marche arrière, enfin si tu vois que je le fais aussi. Okay ?"

Cette dernière recommandation était destinée au cas où ils déboucheraient sur un lieu hostile encore une fois, ce qu'il devait éviter de faire à présent. Plus de risques.
Encore une fois il n'attendit pas de réponse de la part de sa compagnonne et se mit à quatre pattes pour progresser dans le petit tunnel. Il voulait aller vite.
Il s'avançait encore une fois dans le noir complet. Ce fichu portail avait intérêt à être proche.

Lila n'insista pas, de toute manière elle n'en avait pas la force mais quand au bout de plusieurs minutes, Soren la déposa à terre en lui expliquant ce qui allait suivre, Lila ne répondit pas, elle se contenta d'hocher la tête puis suivis Soren.
Son nez saignait encore et les gouttes perlaient le sol sur lequel elle se mouvait difficilement. Elle n'arrivait pas à avancer a bonne allure. Ses membres lui faisaient horriblement mal et sa tête aussi.
Elle aurait voulu rouler jusqu'à la fin, être traînée mais elle se devait de continuer, pour Soren qui l'avait encore sauvée.
Son souffle se faisait de plus en plus court, ses mains commençaient à trembler de nouveau et Derechef son nez se mit a saigner.
Elle ne pouvait plus avancer et ses pour cela qu'elle s'écroula.

Soren n'entendit pas Lila s'affaisser, et même s'il regardait de temps en temps en arrière il ne voyait rien. Il pensa néanmoins que si elle avait demandé à marcher tout à l'heure, alors c'est qu'elle pouvait ramper jusqu'à la sortie maintenant, même si ce tunnel était très étroit et qu'il montait beaucoup. Il continua donc en silence en faisant confiance à son acolyte.

La pente devenait subitement assez raide mais il y avait de la lumière au bout, ce qui encouragea le jeune homme à accélérer malgré la fatigue qui commençait à le tenailler. Qu'importe où il arriverait, il voulait atteindre cette lueur qui ressemblait à celle du jour. Il voulait en finir.
Soren déboucha malheureusement dans une autre grotte, mais celle-ci semblait avoir l'avantage d'avoir été visité par des humains.
De nombreuses galeries avaient été aménagées et il y avaient des chariots en attente qui trainaient ainsi que des rails non finies qui s'étendaient sur le sol pierreux. Mais le plus important, c'était que des torches étaient accrochées aux parois de ce lieu, ce qui faisait que Soren pouvait enfin voir autour de lui clairement même si la plupart de ces éclairages étaient éteints.
Il n'était plus aveuglé par l'obscurité, c'était merveilleux pour lui. A tel point que la lueur des torches -même si ce n'était pas celle du Soleil comme il le croyait quand il était dans l'ombre- lui parurent presque sacrées et divines.

Mais son enthousiasme fut vite douché quand il s'aperçut que Lila ne s'était toujours pas extrait du petit tunnel après lui pendant qu'il détaillait son environnement. Il se mit alors à concentrer toute son attention sur l'embouchure de celui-ci en attendant bêtement qu'en sorte une main, puis il décida après une longue attente de se pencher près de ce trou dans le sol dans l'espérance d'entendre au moins un appel à l'aide de la part de son allié, aussi faible soit-il. Mais de nouveau il n'y eut pas de résultat.
Il devait donc y retourner pour voir ce qu'il se passait.

Il s'engouffra alors dans les ténèbres de nouveau, à contre-coeur.
Au début il glissait plus qu'il rampait à cause de la pente très abrupte, puis la progression se fit plus rude, d'autant que faire le chemin inverse en descendant dans le noir était plus stressant que de monter.
Ses mains finirent par frôler un tissu, et Soren sut qu'il avait retrouvé Lila.

"Eh, tout va bien ?" murmura-t-il.

Elle ne bougeait pas, peut-être qu'elle était coincé. Dans ce cas comment feront-ils pour remonter, surtout qu'il sera dur pour le mercenaire de faire demi-tour dans ce petit chemin ?
Là ils étaient dans de beaux draps.