[Bon je mets ça en partie poème parce qu'il y a un côté très poétique à ce témoignage, qui se rapproche cependant davantage de l'essai philosophique, de l'autobiographie et d'un désir profond de parler, à vous de juger s'il a sa place ici... Comme j'ai pas eu le temps de le faire en une traite, veuillez m'excuser si parfois ce texte change de ton, peut être même de sujet, mais dans les méandres de mon esprit torturé tout est lié.]
Blackout :Perte momentanée de mémoire après avoir consommé un produit psychotrope, alcool ou drogue.
Je suis jeune, et comme la majorité des jeunes j'aime faire la fête, et comme la majorité des jeunes qui aiment faire la fête, j'aime boire. Souvent à l'excès, trop souvent diront certains. Mais parfois, l'alcool m'emmène sur des sentiers étranges, qui conduisent vers des destinations lointaines dont ni vous ni moi n'avons idée. Pourquoi n'en ai-je pas idée ? Parce que moi-même, je ne m'en souviens que de manière extrêmement fragmentaire. J'ai pourtant l'habitude de blackouts de quelques minutes, de la simple question "mais quel était le nom de cette personne, à quoi ressemblait elle, pourquoi lui ai-je dit ça ?", certaines de mes répliques, sorties de leur contexte, étant totalement désorientantes.
Néanmoins, j'ai été confronté par deux fois à une vraie perte de mémoire. Violente, inattendue, et surtout mystérieuse. Que se passe t'il dans ces moments là ? Comment, en une minute subjective, deux heures se sont passées et comment, sur cette période, suis-je passé du rire aux larmes, expérience vécue. Mais au delà de cela, quelles sont ces sensations que je ressens au réveil, sans savoir où je suis et comment je suis rentré chez moi ? Indescriptibles, je les placerai entre la peur panique et l'admiration.
Pas l'admiration d'être toujours vivant, non, puisque ma peur panique résulte de la profonde impression qu'en réalité, je suis décédé la nuit passée. S'engage un combat de titan entre ma large part de rationnel et ma part, beaucoup plus minoritaire, d'irrationnel, ces quelques pourcents de moi qui ne voient plus les scènes que je vis et les gens que je rencontre comme une projection de mon inconscient, durant les quelques millièmes de secondes qui me séparent de ma mort, qui me disent que non, je ne suis pas réveillé, que mon corps est toujours là, allongé quelque part dans le noir, mes poumons exultant mon dernier souffle. Il m'est arrivé de me retenir de frapper un passant dans le métro, comme je frapperai mon inconscient, pour lui dire d'arrêter cette mascarade, de lever le voile sur mon état réel. Fort heureusement ma part de rationnel l'emporte et je reste là, à regarder ce gens en cherchant où mon inconscient a pu trouver ces horribles baskets rouges fluos, cette paire de lunettes horribles, et à admirer les détails du monde qu'il a créé à l'attention de mon conscient.
Mon admiration concerne tout autre chose : il s'agit de l'impression d'avoir vécu une révélation, peut-être une découverte scientifique ou technique majeure, peut-être une expérience mystique entraînant une introspection profonde et brutale. J'ai déjà eu cette pensée furtive au réveil, sans que rien ne l'amène : "J'ai vu Dieu", alors que je ne suis pas croyant. Je serai bien en mal de dire où est la vérité, et où est l'hallucination -puisque je reste persuadé que certains de mes flashs sont des hallucinations, mon côté rationnel évaluant la scène comme trop improbable en raison de contraintes physiques ou spatio-temporelles. Toujours est il que je perçois cette expérience comme une élévation de ma propre conscience.
Ces longs blackout -le plus long a duré entre 5 et 7 heures- laissent en moi des traumatismes psychologiques qui mettent du temps à s'effacer, vous le comprendrez, d'autant que j'ai la désagréable impression qu'à chaque fois, je fais un pas de plus vers la folie, dans laquelle j'ai déjà bien trempé, étant sujet depuis des années à une anxiété généralisée. Je serai tenté d'ailleurs, à ce titre, de rapprocher le blackout d'une amnésie post-traumatique, que j'ai également déjà vécu plusieurs fois. Celle-ci est provoquée par une peur immense et l'impression qu'on va mourir, et laisse des traces psychologiques qui mettent parfois du temps à s'effacer, et nous rappelle par conséquent à notre propre mortalité, ce qui chez moi provoque un déséquilibre mental loin d'être anodin. Je me demande si cette amnésie ne serait pas issue d'un syndrome post traumatique conséquent à la révélation, celle-ci étant trop violente pour que l'esprit le supporte, entrainant mes pleurs par exemple.
Je retenterai l'expérience, encore et encore, jusqu'à ce que j'ai les réponses à toutes ces questions, je trouverai un moyen de ne pas oublier la révélation, quitte à oublier tout le reste. Je n'attends pas de réponses de votre part, sinon des retours d'expérience de personnes qui auraient vécu le blackout non pas comme une simple amnésie. Bref, peu importe, il est également possible que je pense trop, auquel cas bah... oubliez ça.