Première partie d'une histoire qui me trotte depuis longtemps dans la tête, mais qui aurait dû être un film ou un comics plutôt qu'un roman. Pour l'instant, peu de choses sont en place mais ça va évoluer. Critiques, applaudissements, insultes autorisées, et même encouragées, y'a moyen de vraiment faire quelque chose.
Toc… toc… toc…
Le couloir blanc produisait l’écho d’un bruit sec de talons. Un plateau chargé d’un croissant tiède, d’un café chaud et de deux sucres était la seule charge d’une grande brune, fine et élancée, moulée dans un tailleur noir dont l’esthétique égalait le strict d’une telle tenue, qui s’avançait sous la lueur naissante du soleil perçant à travers les multiples vitres du bâtiment en cette matinée d’été.
La jeune femme ouvrit la lourde porte qui, derrière ses aspects de chêne massif, cachait un épais blindage, et s’avança dans une luxueuse pièce, au milieu de laquelle trônait un bureau en verre de toute beauté, servant accessoirement d’oreiller de fortune à un homme profondément endormi, assis sur un fauteuil de cuir noir de grande qualité.
Elle s’approcha de l’homme, posa son plateau à une extrémité du bureau et se pencha vers le dormeur :
« Monsieur ? Monsieur ? Vous allez bien ? Je vous ai fait du café. »
Son interlocuteur grommela, ouvrit un œil rougi de sommeil, puis l’autre. Enfin, il releva doucement la tête, laissant voir sa tenue de soirée à peine froissée et sa cravate à peine desserrée. Sans piper mot, le bureaucrate s’étendit, faisant craquer tous les os de sa colonne vertébrale d’un seul mouvement, puis fixa sa secrétaire.
« Oui, ça va, je crois. Merci pour le café. »
Le ton était froid et distant, ce qui allait parfaitement avec l’air à moitié dépité, à moitié égaré du protagoniste, qui s’empara d’un geste brusque du café bouillant pour l’avaler d’un trait.
« Il va m’en falloir un autre, j’ai bien peur. Il est quelle heure ?
- Huit heures du matin, monsieur. Vous avez rendez-vous avec M. Goriord à neuf heures, aussi ai-je cru bon de vous réveiller dès à présent. Vous avez vraiment une mine horrible. »
L’homme, les yeux fermés, se frotta longuement les yeux, puis appuya sur un bouton situé sous le bureau, ce qui alluma une série d’écrans sur le bureau même.
« Ce n’est pas impossible, Anaëlle. Autre chose à signaler ? »
La femme fit un pas en arrière et se redressa en adressant un regard condescendant à son patron.
« Si ce n’est que, d’après la sécurité, vous venez de passer la nuit à dormir à votre bureau, rien, non. »
Les yeux clos, l’homme prit une grande bouffée d’air, puis prit une position conventionnelle et poursuivit :
« Bien, vous pouvez disposer, et n’oubliez pas mon café. »
La jeune femme en tailleur se détourna et partit, fermant la porte derrière elle dans un claquement qui laissa seul l’homme encore à moitié endormi devant sa multitude d’écrans projetés à même le verre de son bureau.
« Ordinateur, je veux les infos, prépare moi une nouvelle tenue et une bonne douche, je crois que je vais en avoir besoin. Pendant la douche, rappelle moi ce qu’il s’est passé hier.
- Bien monsieur. »
Il se leva, tituba un instant alors que les infos du jour emplissaient l’espace : guerre, attentats, manifestations, culture l’accompagnèrent alors qu’il se dirigeait vers la luxueuse salle de bain dans laquelle coulait déjà une eau à température idéale, agrémentée de substances moussantes et d’huiles parfumées.
Alors que la mousse s’accumulait sur le corps du trentenaire, une voix robotique débita l’ensemble des évènements de la veille : rendez-vous avec des clients, déjeuner avec des associés, et en fin de journée, rendez-vous avec le médecin.
Ca y’est, il y était, voilà le souvenir que le sommeil avait tenté de faire passer pour sien : le rendez-vous médical.
« Les résultats ne sont pas bons, M. Elder. Pire encore : pas du tout bon. »
Le médecin colla quelques images d’échographie contre son projecteur et montra des traces blanches, insignifiantes pour un néophyte.
« Malgré l’opération du mois dernier, des métastases sont réapparues, on peut les voir ici, ici et ici. »
Les images du pancréas étaient carrément crades, comme toute image d’échographie. Il était difficile de distinguer les masses cancéreuses de l’organe observé sans le regard avisé d’un professionnel.
« Allez droit au but, doc, je voudrais être rentré chez moi avant vingt heures, quand même. »
La médecin soupira profondément, puis annonça sans détour :
« Très bien. L’opération n’a pas suffi. La chimiothérapie n’a pas suffi. J’ai bien peur que ce cancer finisse par avoir raison de vous, M. Elder. »
Aucune réaction du patient, ce qui est assez répandu. Quelques heures plus tard, il se rendra compte…
« Et ? Ca explique la fatigue chronique ? Je peux reprendre le travail quand même ?
- Oh oui, si vous le souhaitez. Et effectivement, vos accès de somnolence viennent probablement de là.
- Très bien. Je suppose que je n’ai plus qu’à rentrer chez moi… »
Le médecin hésita, puis répondit simplement :
« Effectivement. Toutefois, si vous avez besoin d’aide…
- J’ai votre numéro, doc. Tout ira bien. »